top of page

           Le petit cireur de chaussures.

 

 

 

A mes filleuls Aymeric, Gabriel et Sybille pour qu’ils sachent bientôt l’importance de l’école et qu’ils découvrent aussi  que tout ne s’apprend pas là-bas.

 

 

Saint Domingue, le 21 aout 2015

 

 

 

Ce matin nous sommes partis avec les enfants pour acheter les fournitures scolaires, une corvée qui s’est transformée.

 

C’est le caddie plein de cahiers et de crayons que le petit cireur de chaussures nous a abordés : deux fois sa taille et quatre fois son âge et pourtant une expérience de vie qui devait valoir 10 fois la mienne, c’est l’image qu’il m’a renvoyée.

 

Pas de mendicité, rien de plus normal pour lui, un gosse qui fait son boulot, déjà une immense grandeur chez cet homme qui, tenant sa boite en bois, sacrifie son enfance à ce petit boulot ; déjà au service, à tes pieds il est là, à genou, quand toi tu te tiens debout. Et pourtant, il y a comme un paradoxe : c’est en voyant ce petit homme que je me sens minuscule. Ce petit d’homme, ce géant, il a en l’espace d’un instant bouleversé mon paradigme, il a en l’espace d’un instant renversé mon caddie.

 

Impuissant petit blanc, tu viens vers moi petit cireur de chaussures, mon caddie sans injure est plein de mon inconscience. Moi qui suis allé à l’école, je n’ai pas appris cette leçon, sans t’en rendre compte tu m’as offert un cours magistral, une leçon de vie, loin de mon pays tu me rapproches de ce qui m’est essentiel et qui ne se révèle que peu de fois.

 

Sans pitié et sans larmes, sans misérabilisme, il est là devant moi pour me rappeler qui je suis.

 

Ce que je vois en lui n’est autre que le reflet de ce que je suis aujourd’hui et m’envoie en mission pour ce que je dois être. Le petit cireur devient messager, sa boite porte un message, celui du prophète, le petit cireur devient mon roi.

 

Sa caisse en bois comprend deux couleurs : celle que souvent l’on porte au pied : le noir et le brun quand dans ses yeux se voient toutes celles qu’il aurait pu porter, quand dans ses yeux je vois toutes celles que j’ai déjà oubliées. Alors, elles me reviennent en bouquet, toutes ces couleurs dont j’ai profitées sans m’en rendre compte. C’est un petit cireur qui me les a réveillées, il fallait qu’il soit là pour que je les retrouve toutes ces chances que j’ai eues, toutes ces grâces que j’ai obtenues sans y prêter attention, sans leur apporter d’importance. C’est devant le petit cireur qu’elles prennent d’un coup tout leur éclat, c’est devant le cireur qu’elles ne se faneront pas.

 

Il devient révélateur de couleur pour mon monde, il devient philosophe, il devient savant, il devient le plus grand ; le petit cireur.

 

A tous, je vous le confie le petit cireur, celui qui nettoie, polie les cœurs et fait briller…. l’âme.

 

 

 

Cyril C.

 

Djon Maya - VICTOR DEME
00:0000:00

Pour aller plus loin, vous pouvez cliquer sur la boite du cireur.

bottom of page