“Nous méritons toutes nos rencontres. Elles sont attachées à notre destinée et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer.”

François Mauriac

 

Aujourd’hui, j’ai eu la chance de discuter lors d’un délicieux diner avec deux grands patrons d’entreprise du cac 40. Lors de notre discussion, nous avons parlé de l’Arche et du fait que je pensais que les personnes avec un handicap n’étaientt pas moins intelligentes que les autres mais qu’elles avaient une autre intelligence et que ce changement de paradigme était pour le monde de l’entreprise une source d’innovation, que se réconcilier avec la fragilité pouvait permettre un gain de productivité.

 

L’un des deux patrons me regarde fixement et me dis : crois-tu vraiment à ce que tu dis ?
Cette simple question au-delà de mon discours issu de mon expérience à l’Arche m’a renvoyé à moi-même. En effet, ce discours est-il vraiment incarné ou tout simplement le fruit d’une réflexion intellectuelle philosophique et anthropologique de salon, ou est-il une réelle expérience, une conviction profonde. Au-delà de la courbette de style de ma réponse (j’y crois sinon je ne serais pas là), ma réponse aurait était plus concrète si j’avais parlé finalement de la rencontre, de la relation, avec les personnes avec un handicap (peut être m’aurait-il fallu alors plus d’une soirée).

 

En effet, c’est grâce à toi Jérôme, Pascal, Dimitri, Henry, Laetitia, Murielle, Gisèle, Lisette et bien d’autres que j’ai pu acquérir une certaine sagesse du cœur. Vous m’avez appris qui je suis  vraiment en me montrant d’autres chemins, d’autres manières de penser et d’aborder la vie, d’autres manières de concevoir le travail et l’amitié. Vous m’avez sorti de ma zone de confort. Comme des athlètes de l’adversité vous m’avez entrainé à me dépasser, à rejoindre d’autres intelligences, à contempler ma vie sous un autre angle, plus large, vous les acteurs, les metteurs en scène, les spécialistes du champ large ou du gros plan. En m’offrant votre amitié, vous êtes devenus les acteurs de mon film, qui grâce à vous ne sera peut-être pas nominé mais qui m’offre le tapis rouge du succès, celui d’une vie bien remplie, celui d’une vie plein d’amis.

 

Quand on vit au quotidien, parfois de naissance, une fragilité extrême ou même minime, on développe d’autres sens que les gens « normaux » n’ont pas besoin d’acquérir, se privant ainsi d’un regard différent sur le monde et sur les autres. En développant ces sens, la personne avec un handicap trouve, dans la relation à l’autre notamment, une capacité non pas à retrouver une normalité, mais à compléter ce qui pourrait nous manquer, elle devient un élément important au fonctionnement du monde. Un élément qui nous pousse à réviser nos pré-carrés, à ouvrir nos fenêtres, à ne pas être des portes fermées.

 

Oui, la personne avec un handicap n’est pas moins intelligente, oui, il y a dans la fragilité quelque chose de naturellement décapant, quelque chose qui nous pousse à réfléchir autrement.

La véritable intelligence, celle du cœur, ne s’apprend qu’en se faisant bousculer. Travailler, vivre à l’Arche c’est se donner l’occasion de trouver cette intelligence. Si vous n’aviez pas étaient là, je ne l’aurais pas découvert, je serais resté seul dans « ma normalité », parmi tant d’autres, j’aurais peut-être vécu comme un imbécile heureux…Je serais resté niais alors que je pouvais être aimé.